Ci-dessous le récit de l’arrestation et de la détention du défenseur des droits de l’homme Orhan Kemal Cengiz. Un témoignage recueilli par le journal turc Bianet English:
L’avocat et journaliste Orhan Kemal Cengiz, qui fut arrêté à l’aéroport Atatürk d’Istanbul le 21 juillet suite à la tentative de coup d’État du 15 juillet, a été relâché mais interdit de sortie du territoire selon le compte-rendu produit par l’accusation hier, le 24 juillet.
Cengiz a expliqué à Bianet ce qui s’était passé pendant cette procédure.
Cengiz fut gardé au Bureau Anti-Terreur (TEM) rue Vartan pendant quatre jours. Il a déclaré ne pas avoir été maltraité sinon menotté par derrière, mais a vu des gens dont les yeux restaient clos à force d’enfler et de pleurer dans l’établissement carcéral qui était plein.
Cengiz fut arrêté dans le cadre de l’affaire Daily Zaman et du mouvement Gülen. Il a ajouté qu’il avait seulement été interrogé sur deux tweets postés un an et demi auparavant.
Cengiz a raconté l’épreuve comme tel:
Aéroport
« Nous avions fondé la Fondation Tahir Elçi en Angleterre. Il y avait un meeting à Brighton dimanche. J’allais en Angleterre pour rencontrer l’avocat Tony Fitcher et Türkan Elçi jeudi.
À ce moment-là, ils m’ont arrêté à l’aéroport et m’ont dit qu’il devaient vérifier certaines choses. J’ai attendu près de 2 ou 3 heures à l’aéroport.
Je suppose que le mandat d’arrêt fut lancé à ce moment-là. Puis j’ai été amené au Bureau Anti Terreur à la Direction de la Sécurité située rue Vartan [dans le quartier Fatih d’Istanbul]. »
Établissement carcéral
« Ils ne m’ont fourni aucune explication. L’atmosphère était très tendue. Ils m’ont directement mis en prison.
Ils ne m’ont pas du tout maltraité. Ils m’ont simplement menotté par derrière alors qu’ils m’emmenaient en procédure judiciaire le dernier jour. J’ai dit à la police que j’était avocat et journaliste. Ils ont déclaré que l’ordre leur était parvenu des autorités supérieures.
Néanmoins j’ai vu quelqu’un dont les yeux étaient clos tellement ils étaient enflés à une ou deux cellules de la mienne. Je l’ai entendu pleurer en rentrant de l’interrogatoire. L’atmosphère était déjà très tendue. L’établissement était complètement rempli. Je pense que j’étais le seul civil.
Le procureur ne prenait aucun témoignage le premier jour.
Le procureur m’a convoqué le premier jour. J’ai été emmené au bureau du procureur avec mes avocats puis renvoyé en prison sans être entendu.
Cela m’a beaucoup surpris. Le procureur m’a renvoyé en disant « je n’écouterai pas son témoignage » alors que j’attendais à sa porte. »
L’histoire de deux tweets
« J’ai été ramené au bureau du procureur à nouveau quatre jours plus tard. J’ai appris que les accusations qui pesaient sur moi étaient liées à l’affaire FETÖ (Fethullahist Terror Organization), mais ce qui est surprenant est qu’ils ne m’ont questionné que sur deux tweets.
J’ai alors réalisé qu’il n’y avait aucun chef d’accusation ni rien du tout de préparé contre moi. »
Compte-rendu de l’accusation
Cengiz a mentionné que son témoignage avait été entendu par le procureur qui a nommé un curateur/fiduciaire/membre du conseil d’admin/syndic au Daily Zaman. Cengiz a raconté ce qu’il a expliqué au bureau du procureur:
« J’écris pour des journaux qui sont considérés comme des organes médiatiques pour la communauté mais il s‘agit là d’une relation strictement professionnelle. J’ai toujours dit ce que je pensais. De plus, j’ai commencé à défendre le Daily Zaman dans le cadre de mon activité professionnelle suite au processus de nomination d’un fiduciaire.
Je suis un défenseur des droits de l’homme; je ne cache pas ma carrière. J’ai aussi défendu des non musulmans et des villageois dont les villages ont été évacués, ce pendant des années. Récemment, j’ai signé un contrat de promotion avec le Daily Zaman dans le stricte cadre de mon activité professionnelle. Je n’accepte aucune accusation. Il est hors de question de me trouver une quelconque connexion avec la communauté pro-Gülen.
Je trouve que l’investigation que vous avez lancée est très dangereuse. La Turquie a échappé à une tentative très sérieuse de coup d’État. Si aucun article n’a été écrit au sujet de la détention des soldats liés à cette tentative de coup d’État, ma détention fait l’objet d’une critique sévère à l’étranger.
Je suis d’avis de ne pas punir les innocents aux côtés des coupables sous peine de décrédibiliser l’investigation comme pendant les procès Ergenekon. » (EKN/TK)
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